456                          JOURNAL DS HENRI IlI.
festement avoir failli et s'être abusée, en ce qu'elle avoit fait venir auprès de Sa Majesté un si rude joueur, le­quel, au lieu de la servir comme il avoit promis, s'é­toit rendu le maître du Roy et d'elle, en telle sorte que ni l'un ni l'autre n'avoit plus de pouvoir; e. s'en re-pent, et se met à penser comme elle pourra démêler cette fusée., et se sauver elle et le Roy du danger pré­sent, l'appétit de se venger d'un gentilhomme (0 l'avoit portée plus outre que son dessein et son espé­rance. Elle commença donc à ourdir cette toile à petit bruit, ayant affaire à un caut ennemi; continue en cette façon jusqu'à ce qu'elle jugea être tems d'en tran­cher le fil, et de se préparer pour en venir aux mains. Comme en effet ce fut elle qui donna le coup sur la balance, et la fît pencher à l'exécution contre l'opinion commune, ainsi que vous pourrez conjecturer sur ce que je vous dirai ci-après.
Mais, avant que d'en venir là, il faut que vous sça-chiez que le duc d'Aumale, à la naissance de la Ligue, s'étant emparé de quelques places sur la frontière de Pi­cardie , entre les autres se saisit de Crotoy en l'absence du sieur Du Belloy, maître d'hôtel du Roy et gouverneur du lieu. Le Roy, offensé de cette invasion, s'en remua assez vivement; mais peu après cette affaire s'accom­moda sans restitution, par l'entremise de madame d'Au­male , laquelle s cette heure-là s'obligea d'avertir le Roy de tout ce qui viendroit asa connoissance des des­seins de ceux de la Ligue. Etnelui étant loisible d'appro­cher Sa Majesté à telles heures que possible il en seroit besoin, le Roy voulut qu'elle s'adressât à un personnage
(-) D'un gentilhomme : Ce gentilhomme étoit le duc d'Espernon, dont la Reine méditoit la perte.
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